Compassion
Comment peux-tu t'intéresser davantage aux difficultés de la vie de tes voisins et de tes semblables ?
La négligence et la violence ont marqué l’enfance de Kai (29 ans). Afin d’oublier sa souffrance l’espace d’un instant, à 12 ans, il s’est réfugié dans l’alcool et dans les drogues. Il raconte lui-même comment, après des années de désespoir et un hiver passé dans la rue, il a pu ramener de la stabilité dans sa vie.
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« À la maison, j’étais toujours le bouc émissaire. Quoi qu’il arrive, j’en étais toujours rendu responsable et j’étais puni pour cela. Les humiliations verbales et les coups de mon beau-père faisaient partie de mon quotidien.
Ma mère ne s’occupait guère de nous, ses enfants. C’est ainsi qu’à l’âge de six ans, j’ai commencé à élever mes deux petites demi-sœurs. J’ai changé les couches, fait la cuisine et, plus tard, fait les devoirs avec elles. Ma mère et mon beau-père sortaient souvent et nous laissaient seuls à la maison. Il n’était pas évident de cuisiner, car le frigidaire et l’armoire à provisions étaient verrouillés à l’aide d’un cadenas.
J’ai beaucoup souffert de cette situation. Je n’avais nulle part où aller. Dans mon désespoir, à douze ans, j’ai tenté pour la première fois de mettre fin à mes jours. C’était la première de quatre tentatives. Mais j’y ai survécu. J’ai commencé à consommer de l’alcool et des drogues, pour échapper l’espace d’un instant à mes problèmes.
À l’école, j’étais un cancre. J’étais par contre très doué de mes mains. Je me suis ainsi décidé à faire un certificat fédéral de capacité (CFC) d’aide-maçon d’une durée de deux ans. Lors de l’examen, j’étais soûl, mais j’ai quand même réussi avec une bonne moyenne.
À la maison, les souffrances persistaient cependant. La charge émotionnelle était insupportable. À l’âge de 18 ans, j’ai fait une dernière tentative de suicide.
Lorsque je me suis réveillé à l’hôpital, j’en ai conclu que j’avais encore une tâche à accomplir sur cette terre. Il était encore trop tôt pour mourir. Comme j’aimais mon métier d’aide-maçon, j’ai décidé de faire une formation de maçon CFC. Du jour au lendemain, j’ai cessé de consommer de l’alcool et des drogues et j’ai emménagé chez mon père à Winterthour.
Peu avant l’examen final, j’ai été frappé par un autre coup dur. J’ai subi un grave accident du travail : à cause de la négligence d’un grutier, un mur de briques s’est effondré sur moi depuis le quatrième étage. En ont suivi deux années de réadaptation. J’ai dû abandonner le métier de maçon.
Durant mon séjour de réadaptation, mon père a fait la connaissance d’une nouvelle femme et, dans l’année qui a suivi, ils se sont mariés. Près d’une année plus tard, un soir, il m’a informé que je devais immédiatement déménager, vu que le lendemain, il allait s’établir dans le pays de son épouse. Cela ne l’intéressait pas de savoir que je perdais mon chez-moi du jour au lendemain et tout ce que cela impliquait pour moi.
Du jour au lendemain, je me suis retrouvé sans abri. J’ai vécu dans la rue durant les six mois qui ont suivi. Ce fut tout sauf un beau moment. C’était l’hiver et il faisait un froid glacial. J’ai de nouveau cherché refuge dans l’alcool et dans les drogues. Je passais l’essentiel de mes journées dans le parc de la ville. Pour survivre, je faisais la manche. Le pire, c’était les gestes, les mimiques et l’attitude méprisante des passants et des passantes. Cela m’a beaucoup déçu et m’a marqué. La nuit, je restais aussi longtemps que possible dans les bâtiments de la gare et je dormais sous un pont ou sous l’avant-toit d’un bâtiment industriel proche de la gare.
L’aide est venue d’un côté inattendu. Ma mère m’a cherché et m’a finalement trouvé. Elle “m’a trainé” à l’aide au logement de la ville de Winterthour. Là, ils m’ont aiguillé vers le Foyer de l’Armée du Salut. J’y ai été admis. Après un certain temps, j’ai fait la connaissance de mon amie et j’ai emménagé chez elle. Pendant les quatre années suivantes, j’ai travaillé comme jardinier-paysagiste. Je ne m’entendais pas avec mon chef, ce qui m’a conduit à donner mon congé.
C’était il y a bien quatre ans déjà. Depuis lors, Tía et moi avons trouvé un nouveau chez-soi à l’institution « Anker – Wohnen Plus » à Winterthour. L’alcool et les drogues appartiennent au passé.
Je dispose d’une structure quotidienne fixe et je travaille à digérer mon passé. Ce n’est pas facile, mais grâce à la thérapie par la danse et le mouvement auprès de Marina, j’ai plus de facilité à m’ouvrir et à me confronter à mes traumatismes, pour les laisser derrière moi.
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