« Jadis, je montais aux barricades »

Cela fait six ans que Lucia Erni est de retour en Suisse, après avoir vécu durant 23 ans au Brésil. Originaire de Suisse orientale, elle parle d’un redémarrage difficile en Suisse. Le choc culturel a été immense. Pourtant, ici aussi, son talent est précieux pour aider ses semblables. Depuis son retour, elle dirige la paroisse de l’Armée du Salut de Saint-Gall, désormais en collaboration avec Ruedi Odermatt. Elle empoigne régulièrement de nouveaux projets, comme un petit groupe de personnes parlant portugais ou le travail parmi les femmes du milieu de la prostitution.

Que fais-tu de bien pour servir tes semblables ?

J’ai moi-même expérimenté le déracinement que les migrantes et les migrants vivent. C’est exactement pour cette raison que je suis en mesure, grâce à une compréhension approfondie de leur situation, de lutter avec ces personnes contre les préjugés. Les migrants sont des personnes comme nous toutes et tous ; je m’engage pour davantage de compréhension entre les peuples. Ma cellule de maison portugaise réunit des personnes originaires d’Angola, du Portugal et du Brésil, qui rendent compte de leur quotidien pas toujours facile. Nous pouvons de la sorte faire progresser l’intégration très concrètement : avec Ruedi Odermatt du bureau social de l’Armée du Salut et autres services, j’aide à remplir des formulaires, pour avoir droit aux soins à domicile ou aux prestations de Pro Senectute, à trouver des places de travail ou des logements, à nouer des amitiés, etc.

J’ai un solide réseau dans la région parmi les autorités, les Églises et les organisations sur le thème de la migration. La collaboration avec les bénévoles fonctionne à merveille ; ici aussi, le facteur « intégration » est central.

Qu’est-ce que le travail te procure en retour, Lucia ?

La considération de mes semblables et de leur situation est un élément extrêmement important pour moi. Le point de vue personnel ne représente qu’une partie de la réalité. Mon travail m’inspire continuellement pour pousser ma réflexion plus loin et développer de nouvelles idées. Ce faisant, je dois veiller à ne pas surcharger ma barque. Mais, à mon avis, je suis sur cette Terre pour aider mon prochain.

Qu’est-ce qui te motive tout particulièrement dans ton travail ?

Pour moi, il est très important de ne pas se contenter de prêcher, mais aussi de provoquer des changements par ses actes. Cela est possible à l’Armée du Salut, ce qui me motive jour après jour. Depuis mon enfance, je m’engage pour la justice sociale et, ici, je peux faire avancer cette cause. Faire preuve de charité, ne pas laisser tomber les autres, réconforter celles et ceux qui sont en deuil, mais aussi se réjouir avec celles et ceux qui sont joyeux, tout cela est crucial pour moi dans l’accompagnement de mes semblables.

Jadis, je montais aux barricades, et pas seulement au figuré, pour défendre mes valeurs. Depuis, j’ai constaté que parler et rouspéter ne servaient à rien. Il faut passer des paroles aux actes, une fois de plus. Je rêve que les êtres humains se respectent mutuellement et que nous soyons guidés par Dieu. La dignité et l’espoir que nous transmettons par notre travail, nous les recevons en retour.