2025-03-12 Amel Oussaifi _co Melanie Bonomi_-212
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Tout au long de son parcours, Amel* a fait preuve d’un courage et d’une résilience remarquables.

Grandir sans amour

Arrivée en Suisse à l’âge de 38 ans, Amel grandit dans un petit village dans le sud de la Tunisie. Elle vit d’abord chez ses grands-parents, auprès desquels elle jouit de tout l’amour et la bienveillance qu’on pourrait souhaiter à une enfant. C’est une fois qu’elle atteint l’âge d’aller à l’école que tout bascule, lorsqu’elle rejoint ses parents biologiques. Depuis, Amel ne retrouve plus les câlins et la tendresse qu’elle avait connus chez ses grands-parents. Désormais, son quotidien est marqué par le travail et les coups. « Frapper les femmes et les enfants, c’est tout à fait normal là-bas », confie-t-elle aujourd’hui. « C’était un choc pour moi qui rencontrais mes parents pour la première fois. J’ai dû grandir vite. » Après avoir souffert beaucoup de maltraitance de la part de sa propre famille, les malheurs se poursuivent à l’âge adulte, lorsqu’elle s’installe seule à Sousse à l’âge de 26 ans. Là-bas, elle connaîtra même des violences sexuelles.

Un exode difficile

« Bien que j’étais pauvre, si j’avais trouvé l’amour auprès des miens, j’y serais restée. Tout ce que je voulais, moi, c’était une famille », confie Amel. Hélas, elle n’y trouve que la violence. C’est pourquoi, quelques années plus tard, elle se résout à quitter son pays sans avoir de plan ou d’itinéraire précis. « J’étais déjà morte en Tunisie, ça ne pouvait qu’aller mieux ailleurs », pense-t-elle. « Je devais donc partir, quitte à mourir en chemin. » Or, la mort, elle n’en passera pas loin : elle quitte clandestinement la Tunisie avec l’aide d’un passeur, en traversant notamment la Turquie, la Serbie et l’Autriche, avant d’arriver à Genève. Son périple est marqué par plusieurs dangereuses péripéties, dont notamment cinq jours de marche avec un groupe d’hommes qui la maltraitent, la contraction de maladies et de blessures. Arrivée en Suisse, elle parvient à se débrouiller pour trouver un abri à l’aide d’un ami qui vit au Canada et qui la soutient financièrement. Elle change plusieurs fois de logements, en passant notamment par plusieurs foyers d’hébergement genevois.

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Le périple d’Amel a été long et semé d’embuches.

C’est à l’Unité de médecine et soins dans la communauté (UMSCOM) à Genève, où elle part faire soigner une blessure au pied et d’autres problèmes de santé contractés pendant son voyage, qu’une âme généreuse lui parle de l’Armée du Salut et de son foyer pour femmes le Bel‘Espérance. Elle y trouve un refuge durant quelques mois. « Mon dernier hôte me rendait la vie difficile, en m’imposant des couvre-feux et en gardant une certaine emprise sur ma vie », raconte-t-elle. « Lorsque donc j’ai appris qu’une chambre s’était libérée pour moi au foyer Bel‘Espérance, je n’ai pas perdu une minute : j’ai pris mes affaires et je suis partie avec le sourire. »

Une rencontre providentielle

« Je suis né musulmane par défaut, parce que l’Islam nous est imposé dès notre naissance par nos familles », confie Amel. « J’ai toujours cultivé un rapport très intime avec Dieu. Depuis petite, je lui parle régulièrement : quand je subissais des violences, quand je retrouvais mon animal de compagnie décédé, quand j’éprouvais du chagrin, etc. Je ne savais pas à qui ou à quoi je m’adressais exactement, mais je savais que je parlais avec Dieu. » Amel fréquente sagement la mosquée pendant plusieurs années et porte le voile, comme il est de coutume pour les Tunisiennes. Peu à peu, toutefois, le dogme cesse de la convaincre, jusqu’au jour où elle s’en détourne complètement. « Je restais discrète au sujet de mon choix pour m’éviter des ennuis », révèle-t-elle à présent.

Le rêve charnière : « Je n’oublierai jamais cette nuit »

À Genève, avec l’aide de Gabrielle, Amel se renseigne davantage sur la personne de Jésus. Elle consulte des ouvrages et des films à son sujet. Elle est particulièrement touchée quand elle apprend la manière dont Jésus est mort sur la croix. Un jour, elle en pleure même, se demandant : « Comment a-t-il pu mourir ainsi pour nous ? » La nuit suivante, Amel fait un rêve, qui la pousse à faire le grand saut dans la foi : « Je n’oublierai jamais cette nuit : une personne vêtue d’un foulard s’est approchée de moi pour me sortir de l’obscurité. Marchant main dans la main avec elle vers la lumière, cette personne m’a dit : ‘Amel, je suis avec toi depuis toujours. Je connais toutes les épreuves que tu as traversées’. Depuis ce jour, ma vie a changé. J’ai gagné en force et en courage et je ne me laisse plus abattre par les épreuves comme auparavant. »

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Depuis qu’elle a découvert la foi, Amel ne se laisse plus abattre par les épreuves.

Aujourd’hui, Amel a trouvé en l’Armée du Salut une communauté avec qui elle partage son amour pour Dieu et dans laquelle elle peut être édifiée. Elle travaille également bénévolement au « Phare », un lieu de distribution de repas géré par l’Armée du Salut, où, nourrie de son expérience personnelle, elle apporte un soutien moral et du réconfort aux clients traversant des périodes difficiles en plus de sa main d’œuvre. « Avant, j’étais morte, mais aujourd’hui, je revis et mon cœur sourit. En Jésus, j’ai trouvé l’amour et non plus la violence. Je Lui abandonne tout et mon amour pour Lui grandit de jour en jour. »

Ce n’est que le début 

Toutefois, les épreuves et les défis ne s’arrêtent pas là pour Amel, car la nouvelle de sa conversion ne réjouit pas tout le monde. En l’occurrence, sa sœur, sa seule et unique attache en Tunisie, s’en fâche et les deux ne se parlent plus pendant près de trois mois. « Je ne pense pas qu’elle me reprochait d’être devenue chrétienne en soi », explique Amel. « Mais plutôt, elle craignait que j’entraîne sa fille dans ma foi et qu’ainsi, sa famille soit exposée au risque de représailles de la part des autres Tunisiens ». Après tout, accueillir Jésus dans sa vie ne se fait pas toujours sans occasionner un certain remous familial (Matthieu 10:34-36).

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Bien qu’Amel ait retrouvé espoir, les défis sont encore loin d’être terminés pour elle.

C’est que, d’après Amel, le comportement de sa sœur refléterait en réalité celui de toute la société tunisienne, en particulier celle du sud de la Tunisie, où, selon elle, il serait difficile de vivre sa foi chrétienne en toute liberté. « Il y a beaucoup de chrétiens là-bas vivant leur foi en cachette », explique-t-elle. « Plusieurs églises ont dû fermer et les chrétiens se retrouvent à devoir prier dans des caves parfois. Pourtant, en théorie, on nous donne le droit d’exercer notre foi, mais en pratique, ce droit n’est pas respecté. » Ici aussi les musulmans convertis au christianisme ne seraient pas toujours en sécurité, d’après elle, et doivent rester discrets pour se protéger d’éventuelles agressions. Amel, quant à elle, ne fait pas profil bas : « Je n’ai pas peur, je m’en fiche. Après tout, c’est ma foi. »

D’ailleurs, son regret est de n’avoir pas connu Jésus plus tôt : « Qui sait, si le christianisme n’était pas aussi tabou en Tunisie, peut-être en aurais-je entendu parler étant jeune, et alors peut-être m’y serais-je attachée et serais restée dans ma patrie. » Aujourd’hui, Amel rêve de retourner un jour en Tunisie pour y parler de Jésus, et « pourquoi pas en tant que soldate de l’Armée du Salut ? », suggère-t-elle enfin.

 

 

*Pour des raisons de protection de la sphère privée, une autre personne a été photographiée afin de garantir l’anonymat.

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