Récit #StandByMe : « Je vis pour ce qui est positif. »

Alors je suis retournée en Suisse et j’y suis restée. Mon mariage n’allait déjà pas très bien. Comme je me battais déjà pour ma vie, je n’avais pas assez de forces pour me battre pour mon mariage. Alors nous avons divorcé, après 17 ans de mariage. Nous sommes toutefois régulièrement en contact, et ce jusqu’à aujourd’hui. J’ai tout d’abord habité chez mon fils. Il s’est beaucoup occupé de moi. Il est venu avec moi pour la chimiothérapie et pour les rendez-vous avec les médecins, il a cuisiné pour moi et quand je n’allais pas bien, il a tout essayé pour que j’aille mieux. Mes enfants ont vraiment toujours été et sont toujours à mes côtés durant cette période difficile. Il y a un peu plus de deux ans, j’avais de fortes douleurs, de plus en plus souvent. L’année dernière, celles-ci étaient si fortes que je ne pouvais presque plus marcher et que j’ai dû être admise à l’hôpital en urgence. Là-bas, ils ont constaté que le cancer était revenu et qu’il y avait des métastases. Lorsque j’ai dû aller faire différents examens chez mon oncologue, mes enfants étaient à nouveau tous là. Ma fille la plus âgée et mon plus jeune fils ont tous deux pris congé. Les autres, qui ne pouvaient pas être physiquement présents, étaient là par appel vidéo. Lorsque j’ai appris le diagnostic, ma fille me tenait la main et mon fils était juste derrière moi. Le cancer est maintenant dans mes os : dans mes vertèbres lombaires, dans mon bassin et mes cuisses, mais aussi dans mes côtes et mon visage. Le cancer est à un stade incurable. J’ai une chimiothérapie palliative (= c’est-à-dire qui vise à atténuer les douleurs mais qui ne peut pas [ou plus] combattre les causes d’une maladie). Par chance je la supporte bien. « L’art est une thérapie pour le corps et pour l’âme. » Lorsque mon fils le plus âgé est parti à l’étranger en 2018, j’ai déménagé dans le canton d’Argovie pour être près de ma fille. Depuis mon accident de voiture, l’art m’a toujours accompagné. En tant que geek, l’art numérique m’a passionné. J’ai tout d’abord appris à créer des en-têtes de lettre et c’est comme cela je me suis appropriée cette technique. Comme je n’avais jamais appris comment on peint correctement, j’étais plutôt inhibée au début et j’ai intensément fait de l’art numérique. Puis j’ai fait la connaissance d’une fameuse aquarelliste américaine sur Internet. Elle m’a dit : « Prends un pinceau dans la main et commence à peindre. Dans les études d’art, tu apprends les techniques et les matériaux, mais le sens des couleurs et des arrangements, ça tu ne peux pas l’apprendre, cela vient du plus profond de toi. » Alors aujourd’hui, je travaille sur trois dimensions : je fais de l’art numérique, de la photographie en noir et blanc et de la peinture. Ce que je fais s’appelle « technique mixte ». Je mélange les matériaux et les techniques, j’intègre des éléments de collage dans mes œuvres, je peins sur papier, carton ou toile, car je suis totalement libre. L’art me permet de digérer ma frustration, mais me transmet, en général, de bonnes énergies et de la joie de vivre. Les différents types d’art me permettent en outre de vivre tous mes facettes. Je suis mère, enfant, femme adulte, adolescente, masculin et féminin – je peux vivre toutes ces facettes à travers ces trois formes d’art, mais aussi les compléter. Mon art n’est pas beau. Il est brut, direct et honnête. C’est pourquoi je peins comme un enfant, je laisse mon enfant intérieur peindre. Cela est très important pour moi et me donne de la joie. Grâce à cela je ne me sens jamais seule. J’ai toujours quelque chose à faire. Lorsque je peins, il peut arriver que j’oublie le temps. Le temps passe tout simplement, c’est ma vie. C’est un temps comblé, libération et épanouissement inclus.

« Mes tableaux sont très colorés, mes photographies pas du tout : deux extrêmes entre lesquels se trouve l’équilibre. Et c’est ce que me donne l’art – une compensation ! »