Nulle part en sécurité

Extrait du journal de Noël de l’Armée du Salut : 

La première fois que je rencontre Ester* lors d’un engagement avec l’équipe Rahab**, c’est devant un bar de rencontres connu de Berne. Deux ans passent ensuite avant que je la revoie. Cette foisci, après un culte dans une église à Berne.

* Nom modifié / ** Rahab: travail sur le terrain de l’Armée du Salut dans

Ester est enceinte et heureuse, et me raconte qu’elle espère se marier et pouvoir rester en Suisse. Cependant, il s’avère bientôt que le père de l’enfant ne veut rien entendre d’un mariage et prétend même que l’enfant n’est pas de lui. Un test de paternité prouvera le contraire plus tard, mais il rompt la relation avec Ester et se marie à une autre femme peu de temps après.

La demande de permis de séjour d’Ester est en suspens, mais les chances qu’elle aboutisse sont mauvaises au vu de la situation. Ses perspectives d’avenir sont également sombres : Ester n’a aucun revenu, pas de statut légal et de logement. En attendant, elle a trouvé refuge chez une amie, mais le mari de celle-ci lui fait comprendre qu’elle doit chercher une autre solution aussi vite que possible. Pendant ce temps, le jour de la naissance approche de plus en plus et aucune solution n’est en vue. Dans ces circonstances difficiles, Ester met enfin au monde son premier fils. Sa joie est grande. Mais où doit-elle maintenant aller avec son petit ?

Ce qui m’impressionne profondément chez Ester, c’est sa foi inébranlable en Dieu. Bien qu’elle ait déjà vécu des choses horribles pendant des années, malgré la déception d’avoir été quittée, malgré toutes les
incertitudes, elle a une confiance inébranlable que Dieu prendra soin d’elle !

Les premières semaines après la naissance, elle peut à nouveau trouver refuge chez son amie. Entre-temps, nous pouvons, en tant qu’équipe Rahab, organiser une chambre au Foyer de passage de l’Armée du Salut à Berne. Le Foyer de passage est en fait prévu comme situation temporaire, mais les processus de reconnaissance de paternité et de l’autorisation de séjour trainent, si bien qu’Ester et son fils y séjournent pendant presque une année. Elle et le petit sont entourés de soins et se sentent entre de bonnes mains. Malgré cela, il est clair que cela n’est pas un chez-soi pour le long terme.

Tout à coup, tout s’accélère : le Foyer de passage nous appelle et nous informe que la Police est là. Ester doit quitter la Suisse dans les 24 heures et retourner en Italie, où elle a séjourné les années précédentes.
Le choc est grand, Ester est comme paralysée. Nous mettons tout en œuvre pour essayer d’au moins obtenir une extension du délai de départ, sans succès. Dans les quelques heures qui restent, il n’y a plus
rien d’autre à faire que de l’aider à faire ses valises avec l’essentiel et de réserver un billet de train pour l’Italie. Ester trouve de nouveau provisoirement un toit chez une vieille connaissance Après quelques
semaines, le contact se rompt. Son numéro de téléphone n’est plus en service. Je n’ai aucune idée si elle et le petit ont encore un toit au-dessus de la tête.

Trois ans plus tard : je reçois un appel d’un numéro que je ne connais pas, et il me faut quelques secondes pour reconnaître la voix d’Ester ! Elle a soumis une demande de séjour en Allemagne et, cela est presque un miracle, a reçu l’autorisation. Elle vit maintenant depuis quelques temps déjà là-bas, a trouvé un homme bon et, en plus de son fils, a aussi une petite fille adorable. Fière, elle m’envoie des photos de sa famille et de l’appartement propre et joli où elle est enfin chez elle ! Ester a toujours placé sa confiance en Dieu, malgré toutes les difficultés qu’elle a rencontrées. Et elle a vécu que Dieu est son soutien, son refuge !

Histoire vécue d’une ancienne collaboratrice bénévole de Rahab Berne