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Imaginez-vous ceci : la police a arrêté votre conjoint. Vous n’avez aucune idée de ce qui s’est passé, du délit qui lui est reproché. Vous n’avez aucun moyen d’obtenir plus d’informations à ce sujet. On vous refuse de lui rendre visite en raison du risque de destruction de preuves. Vous n’avez aucune idée pour combien de temps cela sera le cas. Vous n’avez aucune idée de ce qui va se passer ensuite. Comment réagissez-vous ? Que dites-vous à votre enfant ?

Après l’emprisonnement d’un des parents, dans la plupart des cas du père, le fait de devoir assumer du jour au lendemain l’entière responsabilité pour les besoins de la famille, le ménage et l’éducation des enfants ainsi que les soucis qui y sont liés deviennent rapidement une surcharge pour la mère. Souvent, de peur, elle ne dit pas aux enfants où se trouvent leur père. Dans de nombreux cas, elle leur dit qu’il a dû se rendre à l’étranger de manière imprévue. Les enfants sentent que quelque chose cloche. Ils se sentent rejetés et peuvent avoir des fantaisies pouvant aller loin, jusqu’à ce qu’ils se sentent responsables pour l’absence de leur père. Si un enfant apprend que son père est en prison, il pose souvent des questions comme : qu’est-ce que j’ai fait pour qu’il doive aller en prison ? Comment va-t-il ? A-t-il assez chaud ? A-t-il assez à manger ? Est-ce qu’il pense à moi ou m’a-t-il déjà oublié(e) ?

Moins de sécurité et d’attention

Depuis 2016, dans le cadre du projet « Angehört », le Service des prisons de l’Armée du Salut offre conseils et soutien aux proches de détenus (voir plus bas). Dans les premiers temps après l’événement déterminant, le quotidien de la famille doit souvent être réorganisé. La routine est bouleversée, les règles convenues ne sont plus valables. Pour les enfants, cela constitue une insécurité supplémentaire. La mère, qui selon les circonstances est déjà à sa limite, n’est disponible plus que de manière restreinte en tant que personne de référence.

Pour un enfant, de telles situations sont marquée par la perte du sentiment de sécurité et par un manque d’attention. Ces situations sont très difficiles à comprendre. Si par peur de perdre son statut social, la mère déclare l’emprisonnement du père sujet tabou, il sera presque impossible pour l’enfant d’affronter la situation. Souvent, les mères essaient de protéger les enfants du rejet ou de l’exclusion, et interdisent donc de parler de l’emprisonnement. Cela revient en fait à s’emprisonner soi-même. L’obligation de cacher la situation pousse les enfants à s’isoler. Afin d’expliquer l’absence de leur père, ils inventent des histoires et racontent des mensonges qui les éloignent de plus en plus de leurs amis.

Les spécialistes estiment qu’environ 5000 enfants en Suisse sont concernés par l’emprisonnement de l’un de leurs parents, la plupart du temps de leur père. Si nous prenons également en considération les enfants dont le père purge sa peine en Suisse mais dont les familles vivent à l’étranger, ce nombre augmente alors considérablement.

Exemples tirés du quotidien des conseillers

Ce sont surtout les jeunes enfants qui ne savent souvent pas pourquoi leur père est en prison. C’est le cas de Simon (nom modifié), un garçon de 11 ans, dont le père est en prison depuis plusieurs années pour actes pédophiles. Simon ne connait pas la raison de l’emprisonnement, cela ne lui importe aussi pas vraiment. Les parents sont divorcés, et la mère est d’avis que c’est au père de lui expliquer la raison. Pendant plus de sept ans, il n’y a pas eu de contact. Cette année, conformément au souhait du garçon, a lieu une première visite en prison. Lors de cette rencontre, j’ai accompagné Simon ; depuis, le père l’appelle chaque semaine.

Nous avons posé la question suivante à un autre jeune : « Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi, depuis que ton papa est en prison ? » Il nous a répondu : « Devoir organiser entièrement ma vie et devoir satisfaire tout le monde. » Le papa manque en tant qu’éducateur, que médiateur, et souvent en tant que celui qui maitrise beaucoup mieux la langue que la mère. L’enfant ne reçoit pas ou que peu de conseils sur la façon de réussir son entrée dans la vie professionnelle. Si un jeune a la chance d’avoir quelqu’un de fiable, qui lui apporte un soutien, en la personne d’un maître professionnel ou d’une maitresse d’apprentissage, cette personne devient alors souvent une personne de référence pour lui.

Dans un autre cas, une mère va presque chaque semaine avec ses trois enfants en prison pour rendre visite au père. La salle des visiteurs du pénitencier est cependant aménagée de manière très rudimentaire et les enfants n’ont presque aucune possibilité de jouer. De plus, d’autres visiteurs sont souvent présents dans la même pièce et se sentent dérangés par les enfants. Pour les enfants, rester simplement assis là pendant une heure, ne pouvoir parler que doucement et n’avoir presque aucune autre occupation : les trois enfants ne trouvent pas cela cool du tout. Les deux garçons surtout sont toujours soulagés de pouvoir quitter la prison et bouger à nouveau librement.

Les droits de l’enfant sont souvent négligés

Des visites régulières sont toutefois d’une grande importance si une resocialisation doit avoir lieu. Les spécialistes du service pénitentiaire sont unanimes sur le fait que des contacts sociaux et des possibilités de visite pour les prisonniers contribuent de manière essentielle à réduire le risque de récidive. Un autre thème important, souvent délaissé, est celui des droits de l’enfant. Beaucoup trop souvent, ils ne sont pas respectés. Des décisions sont prises sans que l’enfant ait pu s’exprimer. On a souvent l’impression que les autorités se réfèrent à des règles, des dispositions légales, des conventions. Trop souvent, le bien de l’enfant n’est pas pris en compte.

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Projet « Angehört »

« Angehört » est un projet du Service des prisons de l’Armée du Salut qui existe depuis 2016. Ce projet a pour but d’accompagner et de soutenir les proches de détenus, sans distinction aucune. L’aide se distingue par son caractère direct et son soutien pratique et non bureaucratique.

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