5 Min. · 0 Commentaires
·partager l'article
En 2018, le corps électoral du canton de Bâle-Ville a accepté quatre initiatives sur le logement, dont l’initiative « Recht auf Wohnen » [n.d.t. : le droit au logement]. Cette dernière a abouti au mandat donné au canton de lancer un projet de « housing first ». Sur ce, le Service social de Bâle-Ville a fait un appel d’offres pour le projet et l’Armée du Salut l’a remporté et a reçu le mandat de le mettre en œuvre. Le lancement officiel a eu lieu après Pâques 2020.
Un début en période de COVID
Thomas Frommherz est responsable du secteur « accompagnement à domicile » de l’Armée du Salut, à Bâle, et responsable du projet « housing first ». Il est au bénéfice d’une grande expérience dans le travail parmi les sans-abri : en 2007, il a commencé son travail au Foyer pour hommes de l’Armée du Salut de Bâle et, en 2012, il a mis sur pied l’aide ambulatoire à domicile. Il se rappelle du début du projet « housing first » : « Nous voulions en premier lieu trouver des personnes intéressées et, sur ce point, le COVID a un peu joué en notre faveur. Dans les accueils de nuit, il était impossible de respecter les distances. C’est pourquoi Bâle-Ville a loué un hôtel, qui était vide à l’époque. Et dans ce cadre, des personnes ont pour la première fois de nouveau pu disposer de leur propre chambre, avec leur propre clé, et aller et venir comme bon leur semblait. Cela fait que nous avons aussi pu recruter très rapidement des personnes intéressées, aussi grâce à la coopération intensive avec le Service social de l’accueil de nuit. Nous avons de ce fait aussi un peu réduit notre groupe cible et dit que nous voulions tout d’abord nous occuper des personnes qui était sans abri depuis vraiment longtemps. »
Ce qui caractérise le concept de « housing first »
Le chemin vers son propre logement avec « housing first »
Les personnes qui veulent participer au projet doivent être âgées d’au moins 18 ans, être domiciliées dans le canton de Bâle-Ville, doivent être sans abri ou sans logement depuis longtemps et souffrir de problèmes psychiques ou d’une addiction. Sinon, la personne ne doit pas forcément recourir à d’autres offres existantes, ou elle peut avoir déjà participé à ces offres, mais avoir échoué. Par exemple, lorsqu’une personne a été exclue d’un accueil de nuit ou d’un foyer. « Ce qu’il nous faut alors, c’est simplement l’assurance que les personnes concernées soient prêtes à disposer de nouveau de leur propre logement. Il nous faut l’assurance qu’elles soient prêtes à honorer personnellement un contrat de bail, à garantir le financement et à s’en tenir à toutes les règles. Mais la compétence à gérer son ménage de manière autonome n’est pas une condition préalable chez nous. C’est la grande différence avec l’accompagnement à domicile. » Dans le projet « housing first », les offres d’accompagnement et de soutien ont un caractère facultatif et peuvent être acceptées, mais aussi refusées. Le plus souvent, il y a cependant un besoin et un souhait de soutien, par exemple pour les démarches auprès des autorités. Les participants au projet sont contents lorsqu’ils ont un interlocuteur attitré pour leurs questions et qu’ils ne sont pas complètement livrés à eux-mêmes. Dans la plupart des cas, le fait est qu’une bonne relation s’instaure durant la période entre le moment de faire connaissance et le moment de retirer son logement, de telle sorte que les participants acceptent alors volontiers la personne de contact proposée. Chaque fois que c’est possible, on établit des conventions d’objectifs, dans lesquelles les personnes fixent ce qu’elles souhaiteraient atteindre. Thomas Frommherz dit à ce sujet : « C’est l’aspiration de nos participants de parvenir à se sentir à nouveau comme faisant partie de la société. Grâce à notre manière d’aller à la rencontre des gens, ils parviennent à reprendre confiance dans leurs semblables. De telle manière qu’ils se sentent justement entendus, qu’ils se sentent acceptés. » Le manque de logements à prix abordable constitue toutefois un obstacle important à la mise en œuvre du projet. Entre-temps, deux bailleurs privés ainsi qu’une association de coopératives de construction et d’habitation soutiennent le projet « housing first ». Le responsable de projet est confiant. À ce jour, nous accompagnons 19 personnes en tout, dont 13 ont entre-temps trouvé un logement, 10 d’entre elles grâce au projet « housing first ».
« Grâce à notre manière d’aller à la rencontre des gens, ils parviennent à reprendre confiance dans leurs semblables. De telle manière qu’ils se sentent justement entendus, qu’ils se sentent acceptés. »
Housing First : Un préalable au rétablissement
« Pour les personnes qui bénéficient maintenant soudainement d’un logement, c’est exigeant » poursuit Thomas Frommherz. « Pour les voisins aussi, car la plupart savent que c’est pour un tel projet, et là, il faut faire preuve d’une certaine compréhension et, surtout de tolérance. Nous jouons là parfois un peu un rôle de médiateur. Il faut toutefois observer que la plupart des participants font preuve d’étonnantes compétences de vivre de façon autonome.
Nous avons par exemple eu une dame qui avait passé 20 années dans l’accueil de nuit. Elle n’était pas vraiment négligée, mais on le remarquait justement à son apparence. Depuis, elle est vraiment devenue une personne soignée.
Un autre exemple me vient aussi à l’esprit : un monsieur d’une cinquantaine d’années ; du fait qu’il a son propre appartement, il peut de nouveau aller dans son club de fléchettes et peut y entretenir ses relations. Ou un autre homme, qui a vécu durant 15 ans dans la rue ; il a maintenant rejoint un club de randonneurs et a réussi à renouer avec sa famille.
Une femme a longtemps vécu en foyer pour ensuite être expulsée. Elle habite maintenant chez nous dans un appartement, son état psychique s’est nettement amélioré. Les soins à domicile peuvent désormais se rendre chez elle et lui remettre ses médicaments. Elle opère désormais comme vendeuse du magazine de rue « Surprise », ce qui structure sa journée, et elle entretient aussi des contacts avec ses voisins. Ces derniers l’invitent parfois ou lui apportent de quoi manger. »
Un autre constat prouve que le fait de disposer de son propre appartement constitue une condition préalable au rétablissement : depuis que le projet « housing first » a été lancé, aucun des participants au projet n’a dû être interné en psychiatrie.
Un souhait pour l’avenir
Lorsqu’on lui demande quel est son souhait pour l’avenir, Thomas Frommherz nous confie : « je trouverais formidable si l’offre “ housing first ” pouvait s’établir en tant qu’offre permanente à Bâle-Ville. Et, ensuite, ma vision suivante serait que chaque grande ville dispose d’un office ou d’un prestataire qui s’occuperait de telles questions. Pour nous, l’objectif ultime serait de vaincre le sans-abrisme et que la question ne se pose plus de savoir qui a mérité un logement et qui ne l’a pas mérité ?
Si nous n’y parvenons pas, ce serait à tout le moins bien que l’on puisse sensibiliser le grand-public, de telle sorte que l’on puisse vraiment affirmer que nous sommes sur le chemin de l’éradication du sans-abrisme. »
Plus sur le sujet
Lisez d'autres articles et témoignages sur le thème du sans-abrisme.
Irene Gerber
partager l'article
This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.